Sara Do en TerraGalice

Lettre à Saïd (version courte) Thierry Garnier Lafond

Bordj Bou Arreridj,

 

Lettre à Saïd

 

 

 "Il y a plus d'une route dans son cas"

 

 

  

        

Toile Thierry garnier Lafond

 

 

 

Cher Saïd,

 

Au pays, la famille. Au loin, le travail. Le rêve, c'est la France. Tu la voyais comment ta vie sur les routes en partance ? Sûrement pas comme ça, avec tout ce vide autour... tes frères en manque.

 

Le travail est aux champs comme un feu de paille pour des mains laboureuses. On l'appelle "de saison". Joli nom pour un travail. Ça donne envie de ramener plein de sous au pays et si tout va bien, ce sera pour bientôt.

 

En saison, le semeur s'aime la graine. Hors raison, la saison cède en passion. L'abondance sème au vent. Ici le climat est lourd. Pas par la chaleur, oh non ! Mais par la couleur de ta peau. T'as pas le bon ton Saïd, t'es pas comme il faut. La courbe de ton dos est française, ta voix est algérienne. Un indigène, comme ils disent là-bas. Un Français pas de chez nous, comme ils disent ici.

 

Où vas-tu loin de ta terre natale ?

Paris manoeuvre tout le monde descend !

 

Le vide, le monde, le vide, le monde. Il y en a du monde sur les places publiques, les trottoirs, les rues, les usines. Il y en a du monde en bord de Seine. Y'a du monde, pour étouffer tout le monde à la chaîne. Quelques années plus tard, le sang de l'automne coulera en octobre 61. Puis, Charonne étouffera à son tour, en février 1962. 

 

Dis Saïd, qui a dit qu'un homme d'Algérie, n'est pas un homme comme tout le monde ? Au nom de quelle religion peut-on prétendre être meilleur que l'autre ? Pourquoi certains pensent-ils, qu'un homme de là-bas n'a pas la même odeur ? Dis Saïd, tu vas l'inscrire notre histoire, la nourrir de tes mots ; affleurer la mémoire en sourdine, la couleur de ta peau...

 

Voilà Saïd, j'arrive de loin ! Le voyage est long et laborieux pour arriver jusqu'à toi. Je suis là, en chair et en os, prête à ouvrir la porte toute grande à tout ce chemin fait sans toi.

 

Dis Saïd, est-ce que tu sais tout cela ? Non, toi tu t'en fous. Toi, tu viens de partir. Enfin, le retour au pays tant attendu, de l'autre côté de la mer... Bordj Bou Arreridj.  Cela fait un an, déjà, que ta terre natale a récupéré ton corps. Bordj Bou Arreridj, là-bas... mort et enterré, Saïd.

 

Cher Grand-Père, j'ai reçu ton pays en héritage et tout l'amour qui va avec. La marque de ton absence au coeur de mon présent, n'est que reconnaissance du manque de toi en moi. Je suis fière de mes racines ancrées à toi, là-bas.

 

Pleurs. Sereine.

 

 

Sara Do

 

 

Spéciale dédicace à mon grand-père, Saïd Lahouassa et ma grand-mère, Marthe Subey - Lahouassa.

 

A lire :  Lettre à Saïd (version longue)

A lire :  Lettre à Marthe

 

 

 

Toile de Thierry Garnier Lafond :

 

 (*)Acrylique sur toile - 80 x 80 cm - Décembre 2006 - Collection privée

 

 

 

 

 

 

 

 

 



21/05/2009
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