Sara Do en TerraGalice

Fragment 3 : Histoire d'elle

Réalisé dans le cadre d'une démarche d'approche clinique :


" Histoire de vie en formation "

Université Paris VIII - 1991-92

Département Sciences de l'éducation

Fragment d'histoire d'Elle

 


Essai  III 

 

La reconnaissance…

 

 

Grandir. Grandir ça fait comment !? C'est fait pour le dire grandir et moi je ne sais pas grand dire, alors je ne grandis pas.

 

Mais il faut grandir ; malgré soi. Ha bon ! Ca fait comment grand-dire malgré soi !? La fée raconte des histoires qui calment l'assoiffée dans le noir. Dors petite fille !

 

Pouce ! Pousse comme la mauvaise herbe dans tous les sens en dents de chien. Mais non chiendent comme le chiendent. Ha bon ! S'accrocher au lierre grimpant comme un fil barbelé et oublier. Oublier son existence, son essence d'être pour grandir bêtement; parce que tout le monde grandit…

 

 

N'oublie pas de te taire. Sous terre. Chut ! Chute...

 

Alors il n'est plus temps de poser des questions. Il n'est plus temps de trouver des réponses. Il n'est plus temps de savoir... Et le corps, bille en tête doit tenir le coup à ce grandissement malgré lui. Grand-hisse-ment...

 

« Elle » a entre 4, 5, 6 et... 8 ans peut-être. Quelle importance !? Elle est bien incapable de faire la différence et s'en moque.

 

La différence est une grande personne et je n'ai rien à lui dire !

 

 

Son mental est aliéné. C'est le gouffre assuré en haute mer. Le grand gouffre et son tourbillon enivrant. « Elle » se laisse aller, emporter. La bouée de sauvetage a coulé en bas des marches du bel escalier. Pas assez gonflée la bouée. Elle n'a pas voulu assurer en haute mer. Quel manque de souffle.  Chut ! Tout va bien en surface.

 

 

« Elle » a mis le feu dans le vide ordure. Quel étage !? « Elle » ne sait pas. Elle a oublié pour grandir. Si elle compte elle ne grandit pas. Mais elle voudrait bien compter quand même, alors…

 

Au feu ! Au feu ! Il y a bien quelqu'un qui va la sauver !? Non ! C'est des guerriers du feu, ils n'y connaissent rien en bouée de sauvetage. Et l'enfant ! Se jette à l'eau...

« - Isabeille, tu as vu quelqu'un dans l'escalier !? – Non maman, y'avait personne… »

 

Personne. « Elle » n'a vu personne. « Elle » a entendu ce qu'ils disaient dans l'escalier. « Elle  » voudrait être sourde pour ne pas entendre :

 

« - Ce n'est pas ma fille ! – si c'est ta fille… » 

 

Et encore et encore, ça n'arrête pas.

 

Le ton monte. Je m'approche. Je m'accroche aux barreaux de la rampe d'escalier. Il me voit.

« - Tu n'es pas ma fille ! Il se détourne. - Regarde la, elle n'est pas ma fille.

Et sa réponse percutante !

– Sois fière de pas être sa fille, mais je te jure que tu l'es, je te le jure… »

Jure jure jure jure... Dans mes oreilles ça jure tout le temps ! Au feu !

« Elle » ne dit rien. Normal ! C'est normal. Chez tout le monde ça doit être comme ça.  

Les soeurs sont à papa. D'abord c'est des jumelles. Des vraies avec deux oeufs, ça compte plus ! Pur jus de fruit garantie cent pour cent d'origine, sans colorant E 130, ni conservateur. « Elle » n'a qu'un oeuf, ça compte moins ! Et doit avoir du colorant E 130 et une dose hors norme de conserverie.

 

« Elle » est la cause de tout et de rien.

 

Et, en plus elle n'est pas belle. Comme un garçon manqué à la place du petit frère. T'inquiète Bastien, je suis là et j'assure l'intendance...   Qu'est-ce que ça veut dire être belle !? Cette notion n'est pas inscrite dans mon sac de billes !

 

Le temps ! Le temps ! Attends ! Non tout va trop vite.

 

Rappelle-toi qu'intelligente et turbulente, ça finit par le même son.

Quand on n'apprend pas ses leçons !

On va en institution !

 

Un centre spécialisé tenue par des religieuses.

 

C'est une pension pas belle ! Ca c'est inscrit dans mon sac de billes. Quand elle aura 50 ans « Elle » pensera la même chose. En attendant pour ne pas oublier, elle le grave en gros caractères dans sa mémoire, comme les gros mots. Elle le crie !  Elle le hurle !

« UNE PENSION C'EST PAS BEAU !!! »

D'abord c'est l'odeur des murs, l'odeur des bonnes soeurs et des parquets cirés.

« PAS BEAU !!! »

 

Les classes sont des tombes où le moindre bruit est sanctionné d'un renvoi immédiat au bout d'un couloir mal famé.

 

La cours de récréation est une prison avec un carré de ciel qui à force d'être admiré te file le torticolis.

Et, pire que tout, il n'y a pas d'arbres.

Pas un arbre, ni mes billes pour cogner dessus.

A cinq cents mètres une forêt. En rang par deux. Jeux collectifs du week-end. Un lieu pour apprendre à ce battre, à se défendre contre les coups et aussi à se taire.

Je ne sais pas me battre, je ne sais pas me défendre, mais je sais me taire. Chut !

 

Le silence des hurlements intérieurs fait place aux sanglots amers. Paroxysme de violence à contenir en soi. Dur apprentissage de la loi  des dix commandements ! Il manque l'esprit mais pas la lettre.

 

 

Fin du début de l'essai...  et en cours...

 

Sara Do

 

A Pétronille, merci pour le partage.



08/12/2010
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